mercredi 2 janvier 2013

Comment bien intégrer la génération Y dans votre PME ?




Vu dans Journal des entreprises. 6 juillet 2012. Dossier réalisé par Sébastien Payonne

On les dit instables, en lutte contre la hiérarchie : nés entre 1980 et 2000, les jeunes de la «génération Y» laissent parfois managers et DRH perplexes. Pourtant, ils constitueront 40 % des actifs en 2015. Une perspective doit inciter les PME à mieux intégrer ces jeunes.

Ils n'ont pas plus de 32 ans. Ils «pokent», «twittent», «likent» ou «plussoient» depuis leur ordinateur de bureau. Et ils n'ont rien contre le «slashing» en terme de carrière. Si vous n'avez pas ou peu compris les phrases précédentes, c'est que vous ne faites pas partie, ou que vous ne vous intéressez que très peu à la «génération Y», cette génération de jeunes nés entre1980 et2000 et qui cause aujourd'hui la perspicacité, voire l'incompréhension, de nombre de managers ou de DRH. D'ailleurs, si l'on en croit la littérature et les conférences qui font florès autour de ces jeunes apparemment indéchiffrables, l'intégration des «Y» en entreprise poserait actuellement un réel problème, se traduisant parfois par des taux record de «turnover». Du coup, certains, dépassés, s'enhardiraient même à dire que jeunes et entreprise sont désormais incompatibles: les Y seraient des «zappeurs» ne respectant pas la hiérarchie et n'hésitant pas à quitter les entreprises qui leur ont donné leur chance pour aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte. Pire, ils susciteraient des comportements étranges chez leurs patrons plus âgés. «Une fois, un de mes clients, un patron d'une cinquantaine d'années, ultra-structuré, presque militaire, s'est éclipsé d'un déjeuner de travail pour acheter 35kg de bonbons M & Ms pour ses jeunes salariés», s'amuse la consultante toulousaine Marie Desplats, créatrice du cabinet Diagora et coauteur de «Manager la Génération Y» (Ed. Dunod). Un vent de folie soufflerait-il donc sur nos entreprises?

La fin de l'autorité de fonction
«L'intégration des jeunes dans l'entreprise et dans la société en général a toujours été une source de questionnement», tempère Denis Lenormand, consultant RH au sein de la société nantaise Edifia, qui cite volontiers une célèbre citation du philosophe Socrate pour illustrer son propos: «Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l'autorité et n'ont aucun respect pour l'âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans». Alors, années 2000 et Grèce antique, même combat? Denis Lenormand reconnaît pourtant que les choses ont changé: la doctrine de l'enfant roi, internet, les réseaux sociaux, l'ultra-communication, la facilité d'accès à l'information sont passés par là. Et cela a bien une influence sur la vie en entreprise. «C'est bien simple: les managers ont perdu leur autorité de fonction. Il ne suffit plus d'avoir un "grade" pour avoir l'autorité. Les Y respectent désormais leurs interlocuteurs non plus en raison de leur fonction, mais de leur compétence», estime Denis Lenormand.


La génération du «pourquoi ?» Remettre en question l'autorité? Rien de plus naturel pour une génération dont la lettre qui la désigne se prononce en anglais «why» («pourquoi?»). «Intégrer des jeunes Y, c'est souvent leur donner un cadre: l'école ne leur en donne pas, la cellule familiale, souvent éclatée, non plus. L'entreprise, c'est pour ces jeunes le premier contact avec une autorité arbitraire. Là ou les choses de la vie en entreprise étaient plus "naturelles" pour les baby boomers ou la génération X (NDLR: celles des natifs de 1960 à 1979), il faut davantage expliquer, faire de la pédagogie, répondre à des questions parfois directes ou déstabilisantes», poursuit Marie Desplats. Et là où leurs aînés considéraient avec plus de déférence le monde de l'entreprise, ces jeunes sont dans une position, non pas de défiance, mais d'observation. «Les Y sont dans une relation d'égal à égal avec le monde du travail. Ils ont vu parfois leurs parents se faire "maltraiter" par l'entreprise, avec des licenciements, des plans sociaux, avec la déception et la désillusion que cela implique. Du coup, ils abordent leur travail dans une relation donnant-donnant. Si l'entreprise les met en position de bien-être personnel et professionnel, il n'y a pas de problème et ils s'engagent à fond. Dans le contraire, ils zappent», poursuit la consultante. On le voit, l'incompatibilité totale entre Y et entreprise, tiendrait donc plutôt du mythe, comme le confirme Stéphane Pautet, directeur marketing du CESI, une école d'ingénieur et organisme de formation, à l'origine d'une étude sur les Y. «Il faut cesser de penser que cette génération n'a pas l'envie du monde de l'entreprise. Au contraire, selon nos chiffres: elle le juge mieux que ses aînées en termes de potentiel d'épanouissement social et professionnel. En fait, le problème de l'intégration n'est pas lié à la nature des entreprises, mais à un problème de management. Il faut que les dirigeants apprennent à mettre en place un nouveau dialogue entre leurs jeunes salariés et leurs managers membres des générations précédentes. C'est là que les choses coincent», apppuie-t-il.

C'est à l'entreprise de changer, pas aux jeunes
Mais est-il vraiment pertinent de s'adapter alors qu'il suffirait d'attendre que «jeunesse se passe»? «C'est au management de changer, pas aux jeunes» coupe court Denis Lenormand, en maniant un argument massue: en 2015, les Y devraient représenter 40% de la population active en France. «On assiste avec l'arrivée de la génération Y à un changement de la sociologie des entreprises, à l'image de ce qui s'est passé quand les femmes sont arrivées massivement dans le monde du travail. Il faut revoir les systèmes de management», appuie Marie Desplats. Reste à savoir comment faire. Le Journal des Entreprises vous livre quelques clés pour y parvenir.